Une tortue caouanne, espèce rarissime en Guyane, trouvée morte dans un filet côtier abandonné.
Le 25 juillet dernier, une vidéo enregistrée par un usager de la mer était postée sur les réseaux sociaux, montrant deux tortues marines prises dans des filets de pêche aux abords du Malingre, un petit ilot situé à 4 km au large de Cayenne. D’après l’internaute, il s’agissait d’un filet abandonné.
Les images ont été transmises sur la nouvelle application ObsenMer, plateforme collaborative qui permet au grand public de renseigner ses observations de la faune marine.
Ce post a permis aux équipes du Réseau Tortues Marines Guyane (RTMG) et du Réseau Échouages de Guyane (REG) de confirmer l’identification d’une tortue olivâtre, espèce très commune en cette période de l’année, et d’une tortue bien plus rare… une caouanne.
La tortue olivâtre est bien connue sur les côtes de Guyane. Avec la tortue luth et la tortue verte, elle fait partie des trois principales espèces qui fréquentent nos plages pour la ponte. Un record a même été atteint pour cette espèce l’année dernière, avec 2 579 femelles venue pondre 5 206 nids sur les plages de l’île de Cayenne.
En revanche, les observations de tortues caouannes sont très rares en Guyane. Cette espèce est présente dans les bassins Atlantique Nord et Sud mais fréquente assez peu la zone équatoriale.
En Guyane, un individu sans vie avait été remonté d’un chalut crevettier lors d’une des 32 campagnes d’observations embarquées entre 1999 et 2005. Ces 10 dernières années, une seule observation de cette espèce avait été recensée : il s’agissait d’une femelle adulte venue pondre pour la dernière fois en 2013 sur une plage de Rémire-Montjoly. Elle avait finalement été retrouvée morte dans un filet de pêche, son identification ayant été rendue possible par la puce électronique (PIT) qu’elle portait.
À l’instar de cette femelle, les deux tortues filmées il y a quelques jours étaient déjà mortes au moment de la vidéo.
Comme souligné par la Liste Rouge Régionale des vertébrés menacés de Guyane, les captures accidentelles par différents apparaux de pêches, y compris lorsqu’ils sont abandonnés en mer, font partie des principales menaces qui pèsent sur toutes les tortues marines, et l'une des causes historiques de leur déclin.
Localement, ces captures accidentelles proviennent essentiellement de la pêche aux filets maillants côtiers, d’origine illégale ou légale, professionnelle ou amateur.
En 2018, le Réseau Échouages de Guyane a recensé 37 tortues prises dans les filets maillants, dont 30 vivantes et 7 mortes. Cette année, 10 prises accidentelles de tortues marines sont déjà avérées en comptant cette nouvelle observation, dont 4 tortues olivâtres, 4 luths, une verte et donc, une caouanne. La cause de mortalité de 13 autres tortues échouées n’a pu être déterminée en raison de leur état de dégradation trop avancé. Déjà préoccupants, ces chiffres ne représentent probablement qu’une partie émergée de l’iceberg : la plupart des animaux qui meurent en mer n’atteindront jamais nos côtes, ou s’échoueront sur des secteurs inaccessibles, et donc impossibles à comptabiliser.
Pour répondre à cette menace, la lutte contre la pêche illégale demeure une priorité absolue du Plan National d’Actions 2014-2023 en faveur des tortues marines en Guyane. Cette lutte est pilotée par la Direction de la mer avec le concours d’autres unités : Forces armées en Guyane (Marine Nationale et Gendarmerie Maritime), Direction régionale des Gardes Côtes, Service mixte de police de l’environnement et Réserves Naturelles Nationales de l’île du Grand Connétable et de l’Amana.
Les professionnels de la pêche sont également impliqués dans une démarche positive. Les efforts consentis depuis plus de 10 ans ont permis, en partenariat avec le RTMG, de réduire très largement les captures accidentelles par le chalutage crevettier, via l’expérimentation puis le déploiement du dispositif d’exclusion des tortues marines (TED ou TTED) sur la flotte locale.
Une démarche similaire a été initiée par le Comité régional des pêches (CRPMEMG) et le WWF Guyane afin d’aboutir à des résultats encourageants pour la pêche côtière au filet maillant. En collaboration avec le CNRS-IPHC, un projet visant l’obtention de fonds européens (programme FEAMP) a été déposé pour tester des méthodes et techniques alternatives ces 2 prochaines années. Celles qui permettront de réduire significativement les captures accidentelles de tortues mais aussi de dauphins pourraient ensuite être déployées à large échelle, en Guyane et chez nos pays voisins dont les techniques et matériels de pêche sont similaires, mais dont les pressions sur les ressources sont beaucoup plus fortes.
À terme, il s’agit de concilier au mieux protection des tortues marines et activités halieutiques, 3ème secteur économique en Guyane.
Le Réseau Tortues Marines Guyane et le Réseau Échouage de Guyane.